vendredi 27 février 2015

Au bonheur des lettres (dans les albums)

Janet et Allan Ahlberg, Le Gentil facteur ou Lettres à des gens célèbres, Albin Michel

Avec Le Gentil facteur, on assiste à la tournée de ce personnage amical et courageux qui se rend en vélo porter le courrier des habitants de la forêt des contes. Un arrêt à chaumière des Ours, dans la demeure de pain d’épice de la sorcière, dans celle de Mère-Grand absente (puisque momentanément dans le ventre du loup) ou au Palais de Cendrillon, devenue la plus veinarde des princesses. A chaque visite, une invitation à consommer là une tasse de thé, ici une coupe de champagne pendant que les occupants prennent connaissance de leurs missives. 
Lettre d’invitation à la fête d’anniversaire de Boucle d’Ours, prospectus promotionnel pour des accessoires de magie, carte postale de vacances ou courrier d’huissier. Des documents que le lecteur retire de leur enveloppe avant d’en faire lecture et de voir le facteur sauter sur sa bicyclette pour suivre sa tournée.  

Si cet album revisite avec fantaisie les contes de Boucle d’Ours, de Cendrillon et du Chaperon rouge, il permet aussi d’explorer différentes formes de correspondance. C’est original et super amusant.


Janet et Allan Ahlberg, Le Gentil facteur ou Lettres à des gens célèbres, Albin Michel, 2005


Alexandra Pichard, Cher Bill, Gallimard

Oscar est ravi, si jusqu’en juin sa classe travaille bien, la maîtresse les conduira en classe de mer chez Bill. Ainsi Oscar rencontrera son correspond Bill et ils pourront échanger plus que quelques mots sur une lettre.
En attendant Oscar et Bill s’écrivent. La première lettre écrite par Oscar à son futur ami Bill est pleine d’interrogations : « as-tu des frères et sœurs ? Aimes-tu la pâte à modeler ? ». Se livrent les premières confidences. ce qu’on aime dans la vie quand on est une jeune fourmi : le ping-pong, regarder la télé. Oscar, dans sa réponse, demande à son ami d’écrire plus gros : pas facile quand on est un poulpe de déchiffrer l’écriture patte de mouche d’une fourmi, surtout quand on est, comme Bill, myope hypermétrope.
Au fil des lettres, les deux amis font plus ample connaissance, décrivent leur environnement bien opposé l’un à l’autre. Chez Oscar, en automne, il faut veiller aux feuilles mortes qui tombent et peuvent blesser. Bill, quant à lui, joint un coquillage à sa lettre qui deviendra un très beau couvre-chef pour son petit ami.
Puis vient Noël, poulpe et fourmi, tout excités de cet événement, décrivent leur commande au Père-Noël. Dans la classe d’Oscar tout le monde est bien à son travail. La fourmi s’en félicite auprès de son copain : « la moyenne est de 14.5 sur 20 ça veut dire qu’en juin j’arrive… » Comme ils ont hâte les copains !
Au printemps, ils s’échangent des petits cadeaux : un trèfle à quatre feuilles contre une étoile de mer. Puis en juin, dans sa dernière missive, Oscar est triste : la maîtresse s’est cassé la jambe et la classe de mer est annulée. Malheur… sauf que le facteur dépose un jour un colis devant la porte d’Oscar.

Allez précipitez-vous sur Cher Bill pour connaître le fin mot de l’histoire. Ne vous jetez pas sur la fin mais lisez l’album en entier en observant bien les dessins. C’est bourré de poésie et de drôlerie.

Alexandra Pichard, Cher Bill, Gallimard jeunesse Giboulées, 2014


Gauthier David, Marie Caudry, Les Lettres de l'ourse, autrement

L’Ourse se languit de son Oiseau. Les souvenirs d’un été avec son compagnon ailé ne 
suffisent plus au bonheur de l’Ourse. Elle décide d’écrire tous les jours à son ami, confiant ses missives au bon soin du vent. Bien sûr, elle lui dit qu’il lui manque et elle prend la décision de le rejoindre dans le sud, à l’autre bout du monde.
Les Lettres de l’ourse font le récit de cette expédition pour le moins incongrue et follement passionnée. L’Ourse raconte sa peur dans une forêt noire, le péril d’une traversée en mer, l’ascension d’un volcan, le danger dans un pays en guerre… Heureusement l’Ourse croise des créatures qui l’aident à tracer sa route, des êtres magiques, envoûtants et sympathiques. Arrivée à destination, l’Ourse se lamente, elle est seule. L’Oiseau ne tenant pas à rester éloigné de son Ourse à lui aussi traverser monts et merveilles pour rejoindre son aimée. C’est avec l’aide des oiseaux-amis qui lui organisent un retour fantastique par la voie des airs que nos deux passionnés compagnons se retrouveront.
Cette correspondance est d’une grande délicatesse. Sensible et parsemée de mots doux.
Quant aux images de Marie Caudry, elles sont tout simplement fabuleuses. Un aller direct dans un imaginaire magnifique. Raffinement et délicatesse qui enchantent les plus expressives montagnes, les ombres inquiétantes d’une forêt et la charmante tendresse d’une ourse. Des images qui me laissent béate d’admiration.

Gauthier David, Marie Caudry, Les Lettres de l’ourse, Autrement, 2012


Rascal, Je t'écris, l'école des loisirs

Martine profite de ses vacances d’été pour écrire au Père-Noël. Elle prend de l’avance, promet d’être sage pour les mois à venir et espère bien en décembre câliner sa poupée rêvée et croquer quelques bonbons « pas bio » précise-t-elle.  
Hélianthe, elle, use de quelques mots étrangers pour tenter de convaincre son père de ne pas l’envoyer en voyage d’étude en Angleterre.
Antoine, quant à lui en séjour en colonie de vacances, s’adresse à son oncle lui demandant d’intervenir en sa faveur auprès de son père pour que ce dernier accepte d’accueillir un chien de compagnie. Rusé, Antoine a bien pensé aux arguments que son oncle pourrait présenter à son père : « Tu pourrais lui dire qu’être responsable d’un animal favorise les relations enfants-parents… ». Aïda à Dakar correspond avec Pierre qui a la chance de connaître la neige en hiver («Si tu parviens à me faire grelotter, je t’écrirai un secret »). Lise souhaite un bel anniversaire à son arrière grand-père, 90 ans les sépare tout deux

Un recueil de lettres malicieuses, douces, parfois tristes,  qui racontent la vie d’enfants que l’on imagine vifs et tendres. Il y a du réconfort à user des mots pour dire les choses que l’on a dans son cœur à son père absent, parti à la guerre, à son maître d’école pour lui dire que l’on ne l’oubliera pas, à sa maman chérie pour anniversaire (car c’est la semaine chez papa) ou à son pote quand on se fait interdire d’ordinateur pendant une semaine « je t’écris comme au temps des ducs de Bourgogne ! ». Et autant de réconfort à les lire. Une bonne dose d’amour.

Rascal, Je t’écris, L’école des loisirs, Pastel, 2010

Philippe Lechermeier, Delphine Perret, Lettres à pattes et à poils, Thierry Magnier


Un dictyoptère amoureux, et souffrant de timidité, écrit au courrier du cœur du magazine Bzzz’mag.  Comme ses copains, « son appendicite gigote dès qu’une fille approche » et il a besoin de conseil pour se lier avec sa dulcinée. Jusqu’ici aucun de ses plans n’a fonctionné : partager un goûter, faire équipe en sport, écrire de la poésie. L’amour est ingrat quand on est si fervent. Tourner la page ? Pas facile non plus de « sortir l’amour de son esprit comme un escargot de sa coquille ». Heureusement il y a les cours de biologie et un exposé à rendre sur l’écosystème des milieux humides qui augurent les plus divins des rendez-vous. Enfin si tout se passe bien….
Chienchien a également des états d’âme. En pleine crise d’adolescence canine, il tient à s’excuser auprès de sa mémère pour son comportement frondeur. Il souhaite surtout lui faire comprendre qu’il a grandit. Il aimerait que sa mémère et les copines de cette dernière, Simone et Roberte, arrêtent de l’appeler par des petits noms ridicules. Finis les « Moumoutes », « Mimine », « Miquette »… Terminés aussi les tricots maison en points fantaisie exagérément colorés. Chienchien a  peur du regard des autres canidés, surtout de celui de Brutor. C’est qu’il a une réputation à se faire dans le quartier, Chienchien !
Avec ces séries de lettres, Philippe Lechermeier offre la plume à des animaux en souffrance.  Et quand le problème est posé avec humour, on imagine que la solution n’est jamais bien loin. Reste à imaginer l’issue de ces histoires… Et c’est très malin.

Philippe Lechermeier, Lettres à pattes et à poils, illustrées par Delphine Perret, Thierry Magnier, 2014
A lire aussi : Philippe Lechermeier, Lettres à plumes et à poils, illustrées par Delphine Perret, Thierry Magnier, 2010

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